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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/72

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était aimable de sa personne ; elle avait de la douceur, de la bonté et de la politesse ; elle n’avait rien de faux dans l’humeur ni dans l’esprit[1] ; et, avec beaucoup de vertu, elle ne s’offensait pas d’être aimée[2]. Mme de Chevreuse[3] était attachée à elle depuis longtemps par tout ce qui lie deux personnes de même âge et de mêmes sentiments[4]. Cette liaison a produit tant de choses extraordinaires qu’il me paraît nécessaire de rapporter ici quelques-unes de celles qui s’étaient passées devant le temps dont je dois parler.

Mme de Chevreuse avait beaucoup d’esprit, d’ambition et de beauté ; elle était galante, vive, hardie, entrepre-

  1. Rapprochez du mot de Mme de Sévigné à sa fille (Lettres, tome II, p. 285) : « Je dis que vous êtes vraie. » — Voyez aussi la 3e des Réflexions diverses : De l’air et des manières, tome I, p. 286-290.
  2. « Elle a l’esprit galant, et, à l’exemple de l’infante Clara-Kugenia (fille de Philippe II), elle goûteroit fort cette belle galanterie qui, sans blesser la vertu, est capable d’embellir la cour. » (Mme de Motteville, Portrait d’Anne d’Autriche, en tête du tome I des Mémoires, p. xxxi.) — Voyez la maxime 277 (tome I, p. 146), où la Rochefoucauld parle, en connaisseur qu’il était, de « l’occupation d’une intrigue, » de « l’émotion d’esprit que donne la galanterie, » et de « la pente naturelle au plaisir d’être aimées. » — Comparez aussi le portrait d’Anne par Retz, tome II, p. 174 et 176.
  3. Marie de Rohan, fille d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon, et de Madeleine de Lenoncourt, était née en 1600, et mourut en 1679. Demeurée veuve du connétable de Luynes en 1621 , elle s’était remariée, à la fin de 1622, à Claude de Lorraine, duc de Chevreuse, qui était le quatrième fils de Henri duc de Guise, le Balafré, et en faveur de qui le duché de Chevreuse avait été érigé en pairie en 1612. — Mme de Chevreuse n’avait pas seulement le génie et le goût de l’intrigue ; elle savait comprendre les arts et les encourager, et V. Cousin, dans l’étude qu’il lui a consacrée, a très-bien fait ressortir les divers côtés de cette nature féminine, si étrange à la fois et si complexe. Cette ex-frondeuse eut, entre autres mérites dont la postérité doit lui tenir compte, celui de travailler à la fortune de Colbert, dont elle avait deviné la valeur, et à la fille duquel elle n’hésita pas à donner en mariage son petit-fils, le duc de Chevreuse.
  4. Voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome I, p. 11 et 12.