raisons auraient suffi pour éblouir un homme qui n’avait presque[1] jamais rien vu, et pour l’entraîner dans un chemin si opposé à sa fortune. Cette conduite m’attira bientôt l’aversion du Roi et du Cardinal, et commença une longue suite de disgrâces, dont ma vie a été agitée, et qui m’ont donné souvent plus de part qu’un particulier n’en devait avoir à des événements considérables ; mais, comme je ne prétends pas écrire l’histoire, ni parler de moi que dans ce qui a du rapport aux personnes avec qui j’ai été lié d’intérêt et d’amitié, je ne toucherai que les choses où j’ai été mêlé, puisque le reste est assez connu.
La guerre fut déclarée au roi d’Espagne en l’année 1635, et les maréchaux de Châtillon[2] et de Brezé[3] entrèrent en Flandre, avec une armée de vingt mille hommes, pour se joindre au prince d’Orange[4] qui commandait celle de Hollande ; il était généralissime, et ces deux corps assemblés faisaient plus de quarante mille hommes. Devant cette jonction, l’armée du Roi seule avait gagné la bataille d’Avéne[5] et défiait les troupes d’Es-
- ↑ Presque manque dans les éditions antérieures.
- ↑ Gaspard de Coligny, dit le maréchal de Chatillon. petit-fils de l’amiral massacré à la Saint-Bartliélemy, était né en 1584, et mourut en 1646. Il était maréchal de France depuis 1622.
- ↑ Urbain de Maillé, marquis de Brezé, maréchal de France (1632), né en 1(97, mort en 1650. Il avait épousé une sœur de Richelieu, Nicole du Plessis. Sa fille, Claire-Clémence de Brezé, fut mariée, le II février 1641, au grand Condé.
- ↑ Frédéric-Henri de Nassau, troisième fils de Guillaume le Taciturne, avait succédé en 1625 à son frère Maurice comme capitaine et amiral-général de l’Union. Il mourut en 1647 ; l’année suivante, l’Espagne reconnaissait l’indépendance des Provinces-Unies.
- ↑ Avène, ou Avein, comme portent les éditions antérieures, est un bourg de Belgique, à neuf lieues à l’ouest de Liège. La bataille se livra le 20 mai 1635 ; les Espagnols y perdirent de quatre à cinq mille hommes.
