le corps dopé par les chirurgiens, de telle sorte que l’esclave, hissé sur la table de vente, paraisse une « pièce d’Inde » dans toute la vigueur de la jeunesse. Peut-être, après qu’il aura apposé, au moyen d’une lame d’argent brûlante, ses initiales comme signature sur la poitrine ou les bras d’un individu en bonne forme, l’acquéreur aura-t-il à déchanter. Mais ce ne sera pas faute de l’avoir examiné. C’était une attraction pour les dames de la société brésilienne que l’examen minutieux du lot des arrivants, qui étaient classés avec les Ciganos ou Gypsies, déportés du Portugal au dix-septième siècle.
Parfois, les malheureux sont mis en loterie. — « Nous avons fait un billet conforme aux étiquettes qui étaient aux bras des nègres, marquant le numéro de chacun d’eux, dit un état des magasins de la Compagnie des Indes à la Guadeloupe. Et lesdits billets, de nous paraphés, ont été mis en quatre différents chapeaux, les premiers contenant les grands mâles, tant pièces d’Inde que vieux, lesdits vieux contremarqués ; dans le deuxième, les billets contenant les grandes femelles ; dans le troisième, les jeunes nègres ; dans le quatrième, les négrillons. Après quoi, il a été procédé à la distribution par le sort, ayant préalablement crié le prix de chaque pièce de nègre dans sa qualité et estimation attaché à chaque billet. »
Le nègre est une vulgaire monnaie, un billet à ordre qui peut être escompté, une lettre de change qui acquitte une dette en nature. En un mot, la chair humaine est l’étalon des valeurs. « Les têtes de nègres, disait Raynal, représentent le numéraire