Aller au contenu

Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’indemnité versée, — 500 livres en 1711, 2.000 en 1759 et 1.200 en 1769, — épousait les fluctuations du prix d’achat. Si une cargaison de nègres équivalait, aux dernières années de Louis XIV, à trois cargaisons de sucre, elle valait bien davantage un siècle plus tard. Au contraire, lors de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, les prix avaient fléchi à 1.200 francs par tête. La valeur totale des esclaves n’y dépassait pas trois cents millions en 1848.

L’ESCLAVE

« Rien n’est plus misérable que la condition de ce peuple ; il semble qu’il soit l’opprobre des hommes et le rebut de la nature, écrivait le P. de Charlevoix. Exilé de son pays et privé du bien dont toutes les autres nations sont plus jalouses, qui est la liberté, il se voit presque réduit à la condition des bêtes de charge. Quelques racines font toute sa nourriture ; ses vêtements sont deux méchants haillons qui ne le garantissent ni de la chaleur du jour, ni de la trop grande fraîcheur des nuits. Ses maisons ressemblent à des tanières faites pour loger des ours ; son lit est une claye, plus propre, ce semble, à lui briser le corps qu’à lui procurer du repos ; ses meubles consistent en quelques calebasses et quelques petits plats de bois ou de terre. Son travail est presque continuel, son sommeil fort court ; nul salaire, vingt coups de fouet pour la moindre faute. Voilà où l’on a su réduire des hommes qui ne manquent point d’esprit… Avec cela, ils jouissent d’une