ils se formaient en nation, adoptaient comme idiome une mixture du fanti et du chwi (parlé par les Achantis), saupoudrée d’anglais et d’espagnol. Mais surtout, ils se donnaient un chef, un gnôme herculéen, Cudjoe, dont le portrait orne le frontispice de l’ouvrage de Dallas. Ils fondaient des villes, Trelawnytown, Acompongtown, Scotshall, Charlestown et Mooretown ; et ils engageaient contre l’Angleterre une lutte acharnée. Un premier compromis, en 1738, reconnut leur indépendance. Ils formaient un État dans l’État.
Les marrons de la Jamaïque reprirent les armes en 1795. Le général Walpode avait peine à les tenir en échec, quand soudain, à son appel, débarquèrent dans l’île des « chasseurs du roi », venus de Cuba avec une centaine de dogues féroces, dont la seule appréhension inclina ses adversaires vers la paix.
C’est qu’ils avaient une renommée sinistre parmi les gens de couleur, les rancheros de Cuba. Chaque commune avait encore son chasseur d’hommes, au milieu du siècle dernier. Qu’un esclave prît la fuite : le ranchero sifflait ses molosses, leur faisait flairer les effets du fugitif et partait en quête. Le noir, atteint, était coiffé par les chiens, qui le saisissaient chacun par un bras ; en cas de résistance, il était dévoré ; sa tête, hissée comme un trophée au haut d’une pique, servait d’épouvantail.
Combien était bénin, comparé à ces traitements, le sort des marrons de la Guyane française ! Il y en avait une centaine, cantonnés au-dessus de Tonne-Grande à l’ouest de Cayenne.