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Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/87

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« La nuit est pour eux une nuit de larmes et de désespoir, écrivait Degrandpré dont la chambre était au-dessus de la bombe. Le plancher n’étant pas épais, souvent je me suis réveillé au bruit de leurs soupirs. Quelques-uns m’ont assuré depuis, qu’ils avaient cru toucher à leurs derniers instants et qu’ils s’étaient attendus à être mangés le lendemain, aussitôt rendus au vaisseau. Les femmes se consolent plus facilement. Jusque dans ces cruels moments, elles s’attendent à plaire. »

Chaque esclave porte au cou son numéro, gravé sur une feuille de plomb ou sur du bois et, en sautoir, une cuiller. Une pipe, un paquet de tabac, une cuiller et un numéro, voilà tout ce qui couvre sa nudité. Hommes et femmes, tous sont à l’état de nature quand ils quittent le rivage natal.

Une gravure du Commerce de l’Amérique par Marseille figure de façon saisissante la scène de l’embarquement. Sur la plage se lamentent des gens, cependant que le malheureux esclave est emmené en canot vers le négrier. Il manque au tableau le féticheur, qui aujourd’hui encore, à la Côte d’Ivoire, cherche, par des incantations, à calmer le démon de la barre, au moment où la pirogue aborde la redoutable lame.

UN NAVIRE NÉGRIER

Au-delà de la barre, se balançait la coque aiguë d’un navire racé comme un cheval de course, aux lignes fines et aux mâts effilés, afin