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Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/91

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et exposer à la neurasthénie et au suicide des malheureux qui prenaient les Européens pour des anthropophages buveurs de sang. Le même jour, à bord du Soleil de Nantes, quatorze femmes, de désespoir, se jetèrent à la mer. Pratiques, les Anglais avaient contracté l’habitude de n’envoyer que des navires de cent vingt tonneaux dans les mers qui baignent la côte, du Sénégal à la Volta ; au Calabar et au Congo, « où la traite était plus vive », ils expédiaient des vaisseaux de plus fort tonnage.

Tati, surnommé Desponts
courtier de Malembe

extrait de Voyage à la côte occidentale d’Afrique (Paris, 1801)
par Louis Degrandpré

Les Nantais firent de même. Car, seule la Compagnie d’Angola possédait des navires de cinq cents tonneaux, le Roi de Gabingue et la Mégère.

Nantes était en France la ville des négriers. Elle en armait trente-trois en l’année 1786, où Le Havre, Bordeaux et La Rochelle en équipaient respectivement vingt-deux, quinze et quatorze. De ce commerce où elle transportait annuellement jusqu’à neuf mille et même dix mille nègres, elle se faisait gloire comme d’un « moyen honorable pour la nation de disputer aux Anglais la monarchie universelle du commerce de la mer ». Au moment de la guerre de Sept ans, elle s’éleva contre l’abandon de la traite : « Les négociants, malgré la grandeur de leurs pertes, ne sont pas encore réduits à cet état d’impuissance ; leurs ressources sont fort démunies, elles ne sont pas épuisées ; il leur reste encore des vaisseaux ; ils en font construire tous les jours ; les magasins sont pourvus de marchandises propres à la traite des noirs. La seule place de Nantes est en état, au premier signal de paix, de former trente cargaisons. »