Page:La Saga de Fridthjof le Fort, trad. Wagner, 1904.djvu/13

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accumulation de détails qui se suivent sans enchaînement bien visible. Très peu d’entre elles, par contre, présentent cette unité d’action qui caractérise la saga de Fridthjof, cette disposition harmonieuse des scènes, ces contours si nets et si achevés. Le récit se continue clair et logique, sans interruption, sans digression, à travers une série de conflits, les uns touchants dans leur naïve simplicité, dans leur candeur charmante, les autres déconcertants par l’imprévu des situations et la sauvagerie des attitudes, conflits amenés d’un côté par l’amour de Fridthjof pour Ingibjörg, de l’autre, par la haine implacable qu’ont vouée au fils du bóndi Thorstein les rois frères Helgi et Halfdan. Ce sont là les deux éléments essentiels de l’histoire ; ils constituent le pivot autour duquel se meut toute l’action. Cette opposition se développe sans cesse à travers une variété pittoresque de scènes attrayantes et s’aggrave graduellement depuis la mort de Beli et de Thorstein, de douce et paisible mémoire, jusqu’à la catastrophe finale. La haine et la jalousie amènent des offenses, des injures, des humiliations ; celles-ci entraînent la destruction du bien d’autrui, des voies de fait et des actes de violence, et l’histoire se termine par une lutte suprême pour la vie ou la mort. Au milieu des péripéties de cette vie désordonnée et comme pour atténuer l’apparente rudesse des caractères, la tradition ou l’auteur ont répandu quelques idées tendres et gracieuses, quelques traits empreints d’une douce mélancolie.

Si l’ensemble du récit forme un tout harmonieux que pénètre une idée maîtresse et dont les détails sont groupés suivant un plan naturel et logique, les caractères sont tracés d’une manière imparfaite. Il leur manque cette vie et ces couleurs qui les rapprochent de la nature humaine. Les héros de la saga ne sont pas suffisamment individua-