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est, ne tranche pas la question et nous paraît impuissant à détruire les présomptions établies plus haut. D’une part, les faits que la saga raconte doivent remonter à une époque antérieure à la soumission des petites royautés norvégiennes à la tyrannie de Harald aux Beaux Cheveux, puisqu’après le coup d’État de ce dernier (872) il n’y eut plus de rois régionaux du genre de Beli et de Hring. D’autre part, les Orcades n’ont été occupées par les Norvégiens que vers 874 et n’eurent de jarls qu’à partir de cette époque (Voy. la note 9 du ch. v). Cet anachronisme, sur lequel on s’appuie volontiers pour nier les rapports de la saga avec la réalité historique, peut aisément s’expliquer. D’abord, on sait que, sous le rapport chronologique, les sagas commettent parfois les écarts les plus étranges. Les sagamenn étaient de très médiocres chronologistes ; c’était leur côté faible ; leur mérite réside ailleurs. Si nous voyons Fridthjof, qui doit avoir vécu vers 800, mêlé à des événements qui ne peuvent pas s’être passés avant 874, nous avons plutôt devant les yeux un intéressant exemple de ce « transfert épique » si commun dans la poésie du moyen âge. C’est d’autant plus vraisemblable que l’histoire de Fridthjof — comme nous le montrerons plus loin — a des attaches très étroites avec la poésie populaire ; elle a conservé de son origine poétique un caractère et une allure épiques qui ne se retrouvent guère que dans les sagas mythologiques ou héroïques. La tradition primitive a créé une œuvre dont les contours sont bien achevés et dont les épisodes sont enchaînés d’une manière qui semble très naturelle ; mais pour y arriver, elle a inconsciemment rapproché et rattaché ensemble par les liens de la fiction des faits qui se sont passés peut-être à un siècle d’intervalle.

La plupart des événements, ceux qui constituent vrai-