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particularité remarquable d’avoir passé par trois phases successives de développement et de transformation : la vieille poésie populaire, la dissolution en prose et la décomposition de cette prose en rímur[1]. Ces sagas apparaissent donc comme la simple transcription en prose, la paraphrase d’anciens chants, dont un certain nombre ont été reproduits textuellement et intercalés dans les divers épisodes. Dans quelques-unes, comme la Völsunga saga, la Hálfs saga, la Hervarar saga, la Hrólf Krakis saga, ce procédé est très visible. Les vieilles poésies y occupent encore une place prépondérante. Toute l’histoire n’est en réalité qu’un enchaînement de strophes reliées entre elles par quelques lignes en prose, ou la paraphrase plus ou moins altérée du texte primitif, à tel point que le prosateur, se bornant à supprimer la forme poétique, a maintenu les expressions caractéristiques, les images et jusqu’à l’allitération de son modèle. Il suffit, pour s’en convaincre, de rapprocher certaines parties de la Völsunga saga des chants correspondants de Sigurd, de Brynhild et de Gudrun dans l’Edda.

Telle est aussi l’origine probable de la saga de Fridthjof. F. W. Horn est, à notre connaissance, le seul qui conteste le caractère antique des strophes lorsqu’il dit : « On ne peut guère accorder aux poésies que contient cette saga une ancienneté bien grande, et l’on doit admettre comme vraisemblable qu’elles ont vu le jour en même temps que la saga et doivent être attribuées à l’auteur de celle-ci ». (Gesch. d. Literat. des skand. Nord., p. 60). Cette opinion ne peut se soutenir. Elle est, du reste, formellement contredite par les appréciations des littérateurs et des critiques qui ont le mieux étudié la

  1. Voyez à la fin de l’ouvrage la notice sur les rímur.