Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/35

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de frásögn, c.-à-d. de tradition orale, exposée à des altérations de toute nature. Ces altérations toutefois ne pouvaient affecter la matière en elle-même ; ce qui se modifie, c’est plutôt l’enveloppe extérieure ; le noyau reste le même et garde au fruit sa saveur originelle. Elle plonge ses racines jusqu’au fond du vieux paganisme scandinave ; mais, composée aux temps où les lueurs de la foi chrétienne commençaient à poindre à l’horizon du monde payen et remplissaient déjà les cœurs d’un émoi particulier, et constamment exposée, elle aussi, aux transformations que la religion nouvelle est venue opérer dans les esprits et les mœurs, la saga ne pouvait rester étrangère à l’influence de l’idéal chrétien. L’essence toutefois, la structure intime reste intacte. Ce n’est guère que la forme qui évolue ; et cette évolution se continue, lente mais facilement appréciable, jusqu’au jour où, grâce à l’emploi d’une écriture plus maniable et plus appropriée que les vieilles runes nordiques, les chefs-d’œuvre de l’ancienne Scandinavie ont pu être consignés dans des livres.

Grâce aux renseignements concluants que nous pouvons tirer du Livre des Islandais d’Ari[1], nous connaissons d’une façon assez approximative l’époque à laquelle il convient de fixer les commencements de la littérature écrite du Nord. K. Maurer, dont l’opinion fait autorité en cette matière, la place dans la seconde moitié du XIIe siècle, entre les années 1170 et 1180, et la plupart des savants se rallient à cette manière de voir. Nous savons de même vers quelle époque cette littérature a atteint l’apogée de son développement et de sa splendeur. G. Vigfusson a essayé de démontrer que ce fut

  1. Voy. notre étude sur le Livre des Islandais du prêtre Ari le Savant. Bruxelles, 1898.