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Il a tué tes amis, tes parents et finalement ton fils[1]. Il a insulté ta personne[2]. Où a-t-on jamais observé pareille attitude à l’égard d’un roi ? »

Arinbjörn répondit : « Si Egil a dit du mal du roi, il peut racheter cette faute par un panégyrique qu’on n’oubliera jamais. »

Gunnhild reprit : « Nous ne voulons pas entendre ses louanges. Roi, fais mener Egil dehors, et qu’on le tue ! Je ne veux ni écouter ce qu’il dit ni le voir. »

« Le roi, » dit alors Arinbjörn, « ne se laissera pas émouvoir par toutes tes infamies. Il ne fera pas tuer Egil à la faveur de la nuit, car un meurtre commis pendant la nuit est un assassinat. »

Le roi dit : « Il en sera, Arinbjörn, comme tu le désires. Egil vivra cette nuit ; prends-le avec toi dans ta maison et amène-le moi demain matin. »

Arinbjörn remercia le roi de ses paroles : « Nous avons l’espoir, seigneur, qu’à partir de ce jour, la situation d’Egil prendra une meilleure tournure. S’il s’est rendu gravement coupable envers vous, considérez d’autre part que vos parents lui ont infligé des pertes sensibles. Le roi Harald, votre père, a fait mourir Thorolf, cet homme éminent, le frère de son père, sur la calomnie de gens perfides, et sans aucune autre raison. Et vous, ô roi, vous avez violé la loi au préjudice d’Egil pour être agréable à Bergönund ; et qui plus est, vous en vouliez à la vie d’Egil ; vous lui avez tué des hommes, vous avez mis tous ses biens au pillage et, non content de cela, vous l’avez déclaré proscrit et vous l’avez chassé du pays. Or, Egil n’est pas un homme que l’on provoque en vain. Chaque fois qu’il s’agit de juger une personne, il faut considérer les circonstances. J’emmènerai donc Egil avec moi », ajouta-t-il, « et je le surveillerai chez moi pendant la nuit. »

  1. Le jeune Rögnvald (v. ch. 57).
  2. En plantant le « bâton d’infamie » dans l’île de Herdla et en prononçant sa malédiction solennelle sur le roi et la reine (fin du ch. 57).