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Steinar, il se dirigea du côté des Myrar et s’avança jusqu’auprès du troupeau. Sur les bords du Hafslök s’élevait un rocher entouré de végétation. Au sommet du rocher Thrayd dormait ; il avait ôté ses souliers. Thorstein escalada la proéminence, n’ayant à la main d’autre arme qu’une hache de petite dimension. Il poussa Thrand du manche de la hache en lui disant de s’éveiller. Thrand aussitôt se redressa brusquement, saisit sa hache des deux mains et la brandit en demandant à Thorstein ce qu’il voulait.

Celui-ci répondit : « Je veux te dire que ce terrain m’appartient ; vos pâturages se trouvent plus loin, au delà du ruisseau. Il ne faut pas s’étonner si tu ne connais pas encore la limite des propriétés. »

Thrand dit : « Il m’est totalement indifférent à qui appartient le terrain ; je laisserai le bétail paître là où il se plaît le mieux. »

« Il est à supposer, » reprit Thorstein, « que c’est à moi à commander dans ma propriété, et non pas aux domestiques de Steinar. »

« Thorstein, » riposta Thrand, « tu es un homme beaucoup moins raisonnable que je ne croyais ; ou veux-tu que de ma hache je t’apprête une couche pour la nuit, et que par là ta dignité soit compromise ? Il me semble, à bien considérer les choses, que je possède une force double de la tienne, et le courage ne me fait pas défaut. D’ailleurs, je suis mieux armé que toi. »

Thorstein reprit : « Cela ne m’effrayera pas, si tu ne veux pas changer d’attitude concernant le pâturage. Je présume que notre destinée à nous deux diffère, autant que ma position dans ce litige est différente de celle de Steinar. »

« Tu vas donc voir, » s’écria Thrand, « que je ne crains en rien tes menaces. »

Sur ces mots, Thrand s’assit et attacha son soulier ; mais alors Thorstein brandit vivement sa hache et l’abattit sur le cou de Thrand, dont la tête retomba sur la poitrine. Ensuite, il plaça des pierres sur le cadavre pour le recouvrir et retourna chez lui, à Borg.

Ce jour-là, le bétail de Thrand tardait à rentrer. Quand Steinar pensa avoir attendu assez longtemps, il prit son cheval,