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pour tous, et en conscience, que le traducteur doit accomplir sa tâche. Il est sous le regard du Dieu de vérité : c’est la vérité seule qui sera la suprême ambition de ses efforts. S’il échoue, qu’il se résigne par avance ; s’il réussit, qu’il en rapporte la gloire à Dieu seul.

Cette condition préalable, nécessaire à nos yeux, étant réalisée, de quelle manière le traducteur poursuivra-t-il son œuvre ?

Exactitude, clarté, correction : telles sont les trois qualités auxquelles il est essentiel de viser, si l’on veut à la fois être fidèle et s’exprimer en français. C’est presque une lutte de géant. Mais il faut la soutenir, dans les limites du possible. Faire bon marché de la correction comme chose secondaire ou superflue, c’est oublier que toute langue a ses droits, c’est fournir aux personnes cultivées un genre de distraction nuisible à l’édification. Prétendre que la clarté n’est pas rigoureusement requise parce qu’on rencontre dans l’original des passages obscurs, c’est un accommodement de conscience à rejeter. Altérer sciemment l’exactitude du sens, ne fût-ce que d’une nuance, afin de flatter le lecteur par une forme littéraire plus élégante, c’est manquer de respect à ce même lecteur et encore plus à la Parole sainte. — Pour revêtir dans leur ensemble ces trois qualités, une version ne doit être ni littérale ni libre. Précisons les termes. Elle ne doit pas être littérale, c’est-à-dire “faite mot à mot,” selon la définition du dictionnaire[1] ; ce serait énerver le sens même, et risquer de le rendre inintelligible, sans parler des lois de la grammaire et de la syntaxe qu’on a toujours tort de braver volontairement. Elle ne doit pas non plus être libre, c’est-à-dire, offrir des additions ou des suppressions qui ne sont pas strictement motivées, affaiblir ou renforcer la valeur d’une phrase ou d’un mot quand les expressions qui correspondent à l’original ne font pas défaut, substituer au langage biblique des explications qui appartiennent à la conception particulière de l’interprète. Qu’il y ait place hors du texte pour les commentaires, extraits, résumés, paraphrases, imitations, etc., c’est bien ; mais que la source reste pure, et ne se transforme pas elle-même en imitation, paraphrase, ou commentaire. — Si une bonne version de la Bible ne doit être ni littérale ni libre, aux divers points de vue qui viennent d’être mentionnés, que doit-elle être ? Comme réponse, et en l’absence d’un qualificatif unique, qu’il soit permis de répéter : exacte, claire, correcte.

Ce n’est pas tout. Il faudrait encore, sans la moindre atteinte portée à aucune de ces qualités, qu’elle se distinguât sous le rapport littéraire par des mérites de style, qui, n’étant pas une

  1. Dans une acception plus généralement admise, notre traduction sera certainement, et à juste titre, classée parmi les versions littérales.