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L’ANTÉCHRIST


ESSAI D’UNE CRITIQUE DU CHRISTIANISME[1]


XXIV


Je ne fais que toucher ici le problème de l’origine du christianisme. Le premier point pour arriver à la solution de ce problème s’énonce ainsi : On ne peut comprendre le christianisme qu’en le considérant sur le terrain où il a grandi, — il n’est point un mouvement de réaction contre l’instinct sémitique, il en est la conséquence même, une conclusion de plus dans sa terrifiante logique ; dans la formule du Sauveur : « Le salut vient des juifs. » — Voici le second point : Le type psychologique du Galiléen est encore reconnaissable ; mais ce n’est que dans sa complète dégénérescence (qui est en même temps une mutilation et une surcharge de traits étrangers) qu’il a pu servir, ainsi qu’on l’a utilisé, de type d’un Sauveur de l’humanité.

Les juifs sont le peuple le plus remarquable de l’histoire universelle, puisque, placés devant la question de l’être et du non-être, ils ont préféré l’être à tout prix, avec un sentiment de conscience tout à fait inquiétant : ce prix était la falsification radicale de tout ce qui est nature, naturel, réalité, du monde intérieur tout entier, autant que du monde extérieur. Ils se barricadèrent contre toutes les conditions qui permettaient jusqu’à présent à un peuple de vivre, ils créèrent une idée contraire aux conditions naturelles, — ils ont retourné, l’un après l’autre, la religion, le culte, la morale, l’histoire, la psychologie, pour en faire, d’une façon irrémédiable, le contraire de ce qui étaient leurs valeurs naturelles. Nous rencontrons encore une fois le même phénomène, élevé à des proportions indicibles, et malgré cela, ce n’en est qu’une copie : il manque à l’église chrétienne, en comparaison du « peuple des élus », toute prétention à l’originalité. C’est par cela

  1. Suite. Voir le numéro 121 de la Société nouvelle (janvier 1895).