Page:La Société nouvelle, année 11, tome 1, volume 21, 1895.djvu/7

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duction ; nous pensons donc qu’une société ne peut s’organiser équitablement qu’en renonçant au salariat et en assurant la participation de chacun de ses membres au bien commun qu’ils auront contribué à produire.

Nous maintenons aussi, non seulement que le communisme serait l’état de société le plus enviable et le plus juste, mais encore que c’est vers le communisme, le libre communisme, que tend le monde moderne, malgré les apparences contraires qu’on pourrait induire du développement de l’individualisme, et dans lesquelles nous ne voyons que des efforts de l’individu, pour résister à la domination de plus en plus envahissante de l’État et du Capital. Mais l’histoire ne nous montre-t-elle pas aussi, à côté de ce développement, la lutte infatigable des travailleurs pour maintenir l’antique communisme partiel ou pour l’introduire sous de nouvelles formes, aussitôt que des circonstances favorables le permettent ? Les communes des xe, xie et xiie siècles n’eurent pas plutôt arboré leur indépendance qu’on y pratiqua largement le travail en commun, le commerce en commun et, en partie, la consommation en commun. Il n’en reste plus rien ; mais la commune rurale combat courageusement pour conserver ses antiques coutumes et y a réussi en beaucoup d’endroits de l’Europe orientale, de la Suisse et même de la France et de l’Allemagne, tandis que des associations fondées sur les mêmes principes surgissent de tous côtés dès que l’occasion s’en présente. Malgré le tour égoïste donné à l’esprit public par le mercantilisme du siècle, la tendance vers le communisme s’affirme sans cesse, s’infiltre insensiblement dans les mœurs. Le nouvel esprit prévaut dans des milliers d’institutions. On ne paie plus de péage sur les ponts et sur les routes ; les musées, les écoles et les bibliothèques sont ouverts à tous ainsi que les parcs et les promenades. Les rues pavées et éclairées sont à l’usage des uns et des autres ; on distribue l’eau dans tous les logements sans exiger de taxe rigoureusement proportionnelle à la quantité consommée par chacun. Les tramways et les chemins de fer mettent en vente des billets de saison, instituent le tarif par zones et iront très loin dans ce sens dès qu’ils auront cessé d’être propriété privée. Mais ces exemples ne sont que des indices de ce que nous réserve un avenir prochain et de la direction vers laquelle nous marchons, et marcherons davantage dès que nous abandonnerons l’idée d’appropriation privée des moyens de production.

La tendance est de placer les besoins de l’individu au-dessus des services qu’il a rendus ou pourrait rendre à la société et d’envisager la société comme un être organisé dont nous tous sommes les membres, de telle façon qu’un service rendu à un individu le soit à la société. Le bibliothécaire du British Museum ne demande pas au lecteur quels services il a rendus avant de lui remettre le livre qu’il réclame, et, moyennant une redevance