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Page:La Société nouvelle, année 12, tome 1, 1896.djvu/16

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entière de toute la beauté de la vie ; que les individus les plus forts et les plus intelligents, en cherchant à arriver à la domination absolue sur la nature, ne détruisent ses dons les plus simples et les plus répandus ; qu’ils n’asservissent à leur pouvoir les hommes les plus simples, les rendent esclaves à leur tour, et finissent par précipiter le monde dans une nouvelle barbarie, plus épouvantable et mille fois plus désespérée que la première.

Parmi ceux qui m’écoutent en ce moment, il y en a, j’en suis certain, qui ont entendu ce message, et l’ont compris, et qui, chaque jour, luttent pour le combat auquel il nous convie. À ceux-là, je ne puis dire autre chose que, si une seule de mes paroles pouvait les décourager, je souhaiterais de tout cœur de n’avoir jamais ouvert la bouche. Mais faire voir l’ennemi, la forteresse à qui il faut donner l’assaut, est-ce conseiller la fuite ? Il ne faut pas rester dans le désert, assis et inactifs, parce qu’entre vous et la Terre Promise il y a bien des peines, des souffrances et peut-être la mort même. L’espoir qui vous sert de guide, vous le connaissez, et rien de ce que je puis dire ne vous l’enlèvera. Dans la bataille, on peut rendre service en criant à un ami qu’un coup arrive de ce côté-ci ou de celui-là. Prenez dans ce sens mes paroles un peu vives, je vous en prie.

Chez d’autres il y a un vague mécontentement. La vie qui les entoure leur cause un sentiment d’oppression qui les confond et les inquiète. Ils voudraient trouver un remède et ne savent de quel côté le chercher. Eh bien, nous qui avons pénétré plus loin dans l’analyse de ces tourments, nous croyons être à même de les aider. Naturellement, on ne peut à l’instant les délivrer ; peut-être même qu’au début nous ne ferons qu’augmenter le mal. Mais nous vous dirons ce que nous pensons du moyen de le guérir, et alors, au milieu de tout ce que vous aurez à faire pour trouver, vous et les autres, le droit chemin, souvent, presque toujours même, vous oublierez ces inquiétudes à la pensée du bonheur qui se trouve au bout et pour la réalisation duquel vous travaillez.

Il y en est enfin (et pour dire vrai, je crois qu’ils forment la majorité) qui ne se sentent ni troublés par l’incertitude du chemin dans lequel le monde marche, ni animés par le désir de rendre cette route plus aisée. Pour eux la cause de la civilisation est quelque chose de simple et même de naturel. Il n’y a pas là place pour l’étonnement, ni l’espoir ni la crainte. Elle est comme le lever et le coucher du soleil : elle ne peut errer et personne n’a mission d’intervenir dans son évolution soit pour déplacer son cours, soit pour chercher à le diriger.

Il y a un fond de raison et de vérité dans cette façon de voir les choses. Le monde certainement suivra sa route, entraîné par des forces que nous ne pouvons ni comprendre ni régir. Mais à mesure que ce mouvement se