Page:La Société nouvelle, année 12, tome 1, 1896.djvu/194

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très prudente et très modérée. En le confisquant systématiquement, en lançant des mandats d’arrêt contre le gérant et contre le directeur, en menaçant les jeunes gens qui font partie du comité du «  Circolo operaio » de les envoyer au « domicilio coatto », on prouve qu’il y a un parti pris systématique contre l’Internationale de la part de votre gouvernement ; et je ne pense pas qu’on se limite à la seule Lombardie. Je crois que c’est une mesure arrêtée pour toute l’Italie. Je ne doute pas que bientôt on ne prenne des mesures très énergiques et très arbitraires pour dissoudre, pour anéantir votre « fascio operaio ». Que ferez-vous alors ? Un soulèvement ? Ce serait magnifique si vous pouviez avoir l’espoir de triompher. Mais pensez-vous l’avoir ? Êtes-vous assez bien préparés, assez solidement organisés pour cela ? Avez-vous la certitude de soulever avec vous toute la Romagne, les paysans y compris ? Si oui, ramassez le gant qu’on vous jette. Mais si vous n’avez point cette confiance, — je ne vous parle pas d’illusions, mais d’une confiance basée sur des faits positifs, — alors, de grâce, ayez la force de comprimer votre indignation naturelle, d’éviter une bataille qui devrait terminer pour vous en défaite. Rappelez-vous qu’une défaite nouvelle serait mortelle non seulement pour vous, mais pour toute l’Europe. Je pense qu’il faut attendre l’issue du mouvement espagnol, et alors, lorsque le mouvement de ce pays prendra un caractère largement et franchement révolutionnaire, il faudra se soulever tous ensemble, pas seulement la Romagne, mais toutes les parties de l’Italie qui sont capables d’un mouvement révolutionnaire.

Et, en attendant, que faire si l’on dissout violemment votre organisation publique ? Il faut la transformer en organisation secrète, en lui imprimant alors un caractère, en lui donnant un programme beaucoup plus révolutionnaire que celui que vous avez pu lui donner jusqu’ici…

Sans doute il est très désirable que vous puissiez conserver l’organisation publique et légale des sections romagnoles et autres qui constituent le « fascio operaio ». Mais si les persécutions gouvernementales vous forcent à les dissoudre en tant qu’organisations politiques, vous serez bien forcé de les transformer en organisations secrètes, à moins de vous condamner, vous et tous vos amis et votre cause avec vous, à un anéantissement complet. Pour quiconque vous connaît, comme je commence à vous connaître, cette dernière supposition est inadmissible. Je dirai plus ; même dans le cas où vous parviendriez, à force de lutte énergique et habile, à sauvegarder l’existence de vos sections publiques, je pense que vous arriverez tôt ou tard à comprendre la nécessité de fonder au milieu d’elles des nuclei composés des membres les plus sûrs, les plus dévoués, les plus intelligents et les plus énergiques, en un mot des plus intimes. Ces nuclei intimement reliés entre