Page:La Société nouvelle, année 5, tome 2, 1889.djvu/154

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bien, S’il en est ainsi, nous n’en sommes pas moins révolutionnaires. De deux choses l’une : ou bien la justice est l’idéal humain et, dans ce cas, nous la revendiquons pour tous ; ou bien la force seule gouverne les sociétés et, dans ce cas, nous userons de la force contre nos ennemis. Ou la liberté des égaux ou la loi du talion.

Mais pourquoi se presser, nous disent tous ceux qui, pour se dispenser d’agir eux-mêmes, attendent tout du temps. La lente évolution des choses leur suffit, la révolution leur fait peur. Entre eux et nous l’histoire a prononcé. Jamais aucun progrès soit partiel, soit général ne s’est accompli par simple évolution pacifique, il s’est toujours fait par la révolution soudaine. Si le travail de préparation s’opère avec lenteur dans les esprits, la réalisation des idées a lieu brusquement : l’évolution se fait dans le cerveau, et ce sont les bras qui font la révolution.

Et comment procéder à cette révolution que nous voyons se préparer lentement dans la Société et dont nous aidons l’avènement par tous nos efforts ? Est-ce en nous groupant par corps subordonnés les uns aux autres ? Est-ce en nous constituant comme le monde bourgeois que nous combattons en un ensemble hiérarchique, ayant ses maîtres responsables et ses inférieurs irresponsables, tenus comme des instruments dans la main d’un chef ? Commencerons-nous par abdiquer pour devenir libres ? Non, car nous sommes des anarchistes, c’est-à-dire des hommes qui veulent garder la pleine responsabilité de leurs actes, qui agissent en vertu de leurs droits et de leurs devoirs personnels, qui donnent à un être son développement naturel, qui n’ont personne pour maître et ne sont les maîtres de personne.

Nous voulons nous dégager de l’étreinte de l’État, n’avoir plus au-dessus de nous de supérieurs qui puissent nous commander, mettre leur volonté à la place de la nôtre.

Nous voulons déchirer toute loi extérieure, en nous tenant au développement conscient des lois intérieures de toute notre nature. En supprimant l’État, nous supprimons aussi toute morale officielle, sachant d’avance qu’il ne peut y avoir de la moralité dans l’obéissance à des lois incomprises, dans l’obéis-