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On disait encore à un grand orateur : u Quelle satisfaction vous devez éprouver quand la Chambre entière vous acclame ›. — « Rien que de l’humiliation, répondit-il, car pour émouvoir des hommes réunis, il faut s’adresser aux parties qui sont communes à tous et ce ne sont jamais que des sentiments bas : la haine, la peur ou de sottes sensibilités ! Les hauts raisonnements qui m’ont amené à la conviction que je veux communiquer et qui la justifient agiraient bien sur tels ou tels esprits isolés, mais jamais ne détermineront l’adhésion d’une assemblée. » `
Dans la vie politique, — hors les périodes révolutionnaires, brèves et fortes, où il y a chance pour qu’il soit enlevé par la même passion qui emporte le pays, — l’analyste ne peut pas accorder ses pensées et ses actes ; il garde le don insubmersible de comprendre même ses amis, même ses adversaires, et de se décider d’après la raison froide. Fort bien, dira-t-on, mais pour exercer son action sur ses semblables, pour aider à la collectivité, il n’est pas que la politique. Que l’analyste sorte de la querelle des partis où il convient mal, et qu’il s’emploie par exemple dans l’enseignement.
Écoutez alors cette lettre d’un jeune professeur de philosophie, et des plus distingués, Romain Coolus, à un écrivain de ce temps ; vous y surprendrez la même conscience excessive des difficultés qu’il y a à concilier ses principes et ses actes, son rêve et les conditions de la vie.
Je fais sur un certain nombre d’intelligences qui me sont confiées de
véritables cures, si je puis dire sans immodestie, et relevant de la psychothérapie. Intelligences si développées et qui s’ignorent, personnalités confuses et indistinctes, individualités anonymes en qui il faut créer et faire surgir une vie intérieure. Il convient de susciter quelques inquiétudes en ces âmes dont la passive placidité n’exprime que l’absolue disette d’émotions et d’exaltation. Il faut les faire naître à l’enthousiasme, leur communiquer quelque passion qui les exalte, les élever jusqu’à la dignité d’un amour ! Et ils ne sont même pas et ne seront peut-être jamais capables d’une vision qui les enchante !
Or, dans cette œuvre, des doutes m’arrêtent. Je suis entouré et écouté d’une majorité d’égarés (pour parler doucement) qu’un strict discernement de leurs capacités natives eût péremptoirement désignés à l’aunage des étoiïes et au terrassement. Des paroles, qu’ils paient pour entendre, peuvent laisser en ces âmes troubles de singuliers malaises et trouver en ces cerveaux insuffisants d’imprévus et dangereux commentaires. Ces jeunes gens, inaptes å ces besognes, ne peuvent-ils pas garder de ces fréquentations involontaires avec des idées incomprises de fortes courbatures cérébrales, et n’ai-je pas å craindre qu’ils n’aient quelque jour à me reprocher un commencement de détresse morale ?