Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/323

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ceci n’est pas un jour d’affaires ; aussi nous ferons mieux de le visiter une autre fois, car vous y verrez plus de monde. »

Je le remerciai et dis : « Sont-ce les véritables campagnards ? Que de jolies filles il y a parmi eux. »

Comme je parlais, mon regard rencontrait la figure d’une belle femme, grande, avec des cheveux foncés, et la chair blanche, habillée d’une jolie robe vert-tendre en honneur de la saison et de la chaude journée, elle me souriait gentiment, et plus gentiment encore à Dick, me semblait-il ; je m’arrêtai de parler une minute, mais bientôt je continuai :

« Je le demande, parce que je nevois aucun campagnard que je m’attendais à rencontrer dans un marché, je voulais dire pour y vendre des choses.

« Je ne comprends pas, dit-il, quelle sorte de gens vous vous attendiez à voir ; ni tout à fait ce que vous voulez dire, par gens de la campagne. Ce sont des voisins, comme vous en trouvez dans la vallée de la Tamise. Il y a des parties de cette île qui sont plus arides et plus pluvieuses que celle-ci, et là les gens mettent moins de recherche dans leurs habillements, et aussi sont plus énergiques et plus endurants que ceux que nous sommes habitués à voir, mais quelques gens aiment mieux leur extérieur que le nôtre ; ils disent qu’ils ont plus de caractère que nous, c’est le mot. Eh bien, c’est une question de goût. De quelque manière que ce soit, le croisement de race entre eux et nous donne toujours de bons résultats, ajouta-t-il, pensif »

Je l’écoutais, quoique j’eusse les yeux détournés de lui, parce que la jolie fille disparaissait justement par la porte avec son grand panier de petits pois, et j’avais cette sensation de désappointement.qu’on éprouve quand on a rencontré une charmante figure dans la rue et qu’on ne verra probablement plus jamais ; je me taisais un peu. A la fin, je repris : « Ce que je veux dire, c’est que je n’ai pas vu de gens pauvres aux alentours, pas un. » Il fronça les sourcils et, l’air étonné, il dit : « Non, naturellement ; si quelqu’un se trouvait être pauvre, il l’est probablement à l’intérieur ou tout au plus il se promène lentement dans le jardin : mais je ne sais pas s’il y a quelqu’un de malade maintenant. Pourquoi vous attendiez-vous à voir des gens malades sur le chemin ? »

« Non, non », répondis-je ; « je ne veux pas dire de gens malades. Je veux dire des gens pauvres, vous savez ; des gens grossiers. »

« Non, » dit-il, souriant gaiement, « je ne sais vraiment pas. Le fait est que vous devez vite venir chez mon aïeul, qui vous comprendra mieux que moi. Allons, mèche grise. » Et en même temps il agita les guides et nous cahotions gaiement plus loin vers l’est.