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3. Notre tâche se trouve donc délimitée. Nous nous bornerons, en profitant largement des travaux de nos devanciers, en prenant notre bien partout où nous le trouverons, notamment chez MM. Oldenberg, Senart, Oltramare, à un travail d’analyse et d’exposition portant sur les sources les plus notables :

§ I. de quelle manière on peut supposer que la chaîne des douze causes a été constituée sur des données bouddhiques[1] ;

§ II. définitions ou explications des douze causes, prises une à une, dans le canon et dans la scolastique ;

    théologique, Genève, 1909, (voir JRAS. 1910, p. 201). — Notamment Burnouf, Introduction (1844), p. 486 ; Spence Hardy, Manual (1860), p. 391 ; Childers, Dictionary, (1875) ; Kern, Geschiedenis, i p. 335 (trad. Huet, AMG, Bibl. d’Études (Paris, 1901) ; Ed. Hardy, Buddhismus, p. 51 (1890) ; Warren, Buddhism in translations, p. 115, etc. (1896) ; Rhys Davids, American Lectures.

  1. Toute analyse du canon comporte un principe directeur : nous admettrons que les définitions canoniques résultent du même travail d’arrangement et d’exégèse dont on touche du doigt le développement dans la littérature post-canonique ; que la chaîne duodénaire n’est pas une création ex nihilo ; qu’elle n’était pas, dès l’origine, complète et enrichie d’une exégèse complète. — Mais, et il convient d’insister sur ce point, le travail d’analyse n’a pas forcément une valeur historique : indispensable à l’intelligence des idées, que nous ne pouvons comprendre qu’en les reconstruisant, pour notre propre compte, suivant un développement logique ou du moins intelligible, l’analyse n’est-elle pas impuissante à fournir une appréciation du développement réel qui soit plus que plausible ou vraisemblable ? Rien ne prouve que le Bouddha ou les théoriciens (ābhidharmika) des premiers temps, inaugurateurs de la formule duodénaire, n’aient tenu que des notions vagues et incomplètes. Les termes dont ils se sont servis, peut-être empruntés au Sāṃkhya-Yoga-Vedānta, sont, pour les scolastiques et pour nous, « usés » à l’excès : ils ont pu être choisis pour couvrir des concepts relativement précis. Dans les quelques documents où nous sommes portés à reconnaître les premières ébauches de la formule canonique, des variantes, des retouches, nous sommes peut-être en présence de variations homilétiques ou pédagogiques sur un thème déjà fixé et interprété. — Des conditions qui s’imposent à la méthode, on ne peut préjuger du caractère des faits. Il n’est pas permis d’oublier que les choses prendraient peut-être un aspect très différent si nous savions mieux sur quelles données les bouddhistes ont travaillé, et où en étaient le Vedānta, le Sāṃkhya et le Yoga, l’idéologie indienne en un mot, lorsque naquit le bouddhisme. Il n’est pas permis d’oublier que nous ignorons ce qu’il faut penser du Bouddha en tant que fondateur de la dogmatique, et, quoi qu’on fasse, c’est à ce problème presque insoluble que l’on est toujours ramené.