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Cécilia et Giovanni admiraient une figure empreinte d’une noble fierté, un front large et élevé sur lequel la tristesse et la rêverie s’étaient abattues pour murmurer leurs plaintes amères ; puis, à toutes ces beautés, un charme plus grand encore, le sceau divin de la bonté : telle était l’image angélique qui rappelait la princesse Maria. L’occasion était favorable pour raconter sa vie. Géromio la commença en ces termes :

— J’avais vingt ans lorsque mon père, en me laissant pour héritage sa gondole et la réputation du premier gondolier de Naples, me dit : « Sois fidèle et prudent, mon fils, et les belles dames et les grands seigneurs te prendront en amitié. La discrétion, Géromio, c’est la perle du gondolier ; il doit tout voir, tout entendre ; et comme les flots bleus qui réflètent un instant les objets qui passent avec rapidité sur leur surface, que tes yeux, que ta mémoire, oublient ce qui veut vivre à l’ombre du mystère. »

Mon père mourut, et après avoir suivi son cercueil, je vins m’asseoir sur la mer napolitaine ; attendant la bonne volonté et les ordres de ceux qui voudraient m’employer.

Jeune et n’ayant pas les manières de nos mariniers, j’eus l’amitié de plusieurs altesses ; deux seigneurs surtout m’avaient pris en affection. L’un d’eux est roi à cette heure, l’autre est allé rejoindre celle qui mourut pour lui. Le prince royal alors et son ami, le prince Alphonse de la Cheissa, venaient souvent au port, et nous allions visiter nos îles parfumées ; je dis nous, car je descendais toujours à terre avec les princes ; ma gaîté, ma franchise me procuraient cet honneur,

Un soir que j’attendais vainement leurs altesses, voyant les gondoliers rentrer, je résolus de les imiter ; mais au moment où je me disposais à attacher ma barque, les princes arrivèrent.

— Par le sang du Christ, tu es un brave garçon de n’avoir pas désespéré, me dirent-ils. Tiens, voilà pour ta peine, et vite au