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Ton culte est à l’audace, enfant de ton génie !
Ô femme ! que fais-tu ? — Le bonheur effacé
Fait-il battre ton cœur au doux nom du passé ?
Les jours étincelants de ta fraîche jeunesse
Parfument-ils ton âme à leur lointaine ivresse,
Alors qu’avec l’amour et la sainte beauté,
Les anges te dotaient de leur sérénité ?
Lorsque l’oiseau du ciel s’éveillant à l’aurore,
Emplissait de ses chants les feuilles qu’elle dore,
Lorsque le vent léger frémissait dans les fleurs,
Te souvient-il des jours où, tes beaux yeux en pleurs,
Tu mêlais à ces voix ton hymne d’innocence,
Et de Dieu dans le ciel tu cherchais la présence ?
— Non ! plus de chants, de pleurs, et surtout plus d’amour !
Lélia ! ton Éden se ferme sans retour ;
L’antique chérubin pour toi reprend son glaive,
Car l’espérance a peur de la nuit de ton rêve !
Car ton front est gonflé d’orages et de deuil,
Car tu n’as plus qu’un Dieu qui t’entraîne : l’orgueil !
L’orgueil ! qui devant toi, superbe créature,
Fait se taire et pâlir la splendide nature !
L’orgueil ! qui sur le bord des abîmes glacés,
Te dresse, pâle et grave, et les deux bras croisés,
Jetant sur l’horizon où tout songe en silence
Un regard enivré, plein d’un mépris immense !

     Lélia, Lélia ! symbole douloureux !
Esprit sombre aujourd’hui, naguère lumineux !