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tion du religieux ; et ce ne fut pas sans étonnement qu’il se trouva au milieu des rochers qui dressaient çà et là leurs têtes de granit.

— Avons-nous encore beaucoup à marcher, demanda-t-il ?…

— Dans quelques minutes vous serez au terme de votre voyage. Voyez cette grande élévation ; lorsque vous serez arrivé à son sommet, nous n’aurons plus qu’une rivière à traverser.

— Il faudra alors emprunter les ailes des aigles pour y parvenir, reprit frère Ambroise, en regardant cette montagne qui s’élançait dans l’air comme la flèche d’une église.

— Soyez sans crainte, tout sera préparé. Il y a des hommes qui nous attendent et qui vous conduiront auprès de la mourante. Je dois vous avertir aussi que les personnes qui vont vous faire gravir ce pic élevé, seront obligées de vous bander la vue.

Ils étaient au bas du rocher ; le guide fit entendre un siflet, et à peine avait-il terminé, que le même signal lui répondit. Bientôt les deux voyageurs aperçurent une échelle de corde qui se déroulait et qui tomba à leurs pieds.

— Montez, mon frère ; et en peu de temps cette singulière ascension fut terminée. Frère Ambroise se trouva alors au milieu d’une troupe d’hommes auxquels son conducteur adressa les paroles suivantes :

— Les ordres de Monseigneur sont exécutés ; voici le religieux, conduisez-le à son altesse ; et se tournant vers le supérieur : — Mon frère, permettez que j’exécute mon devoir ; et il lui banda la vue. Je vous attends ici pour vous reconduire à votre couvent.

Le trajet ne fut pas long ; car peu d’instants après, les nouveaux guides du supérieur lui rendirent la lumière, et le religieux se vit en présence d’un homme richement vêtu, et paraissant âgé de cinquante ans.

— Mon père, lui dit celui-ci, vous allez recevoir les dernières paroles d’une jeune fille qui n’a que quelques instants à vivre.