Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/169

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cle a les siennes et nous ayons les nôtres. Appelez-les croyances, révélations, principes : grands noms que tout cela, qui pourraient bien cacher de très-petites choses. À quoi bon se tourmenter pour si peu ? La machine ronde est grande pour l’homme et petite, j’imagine, pour plus grand que lui. Je ferai à ce sujet un conte intitulé Micromegas, qui vous amusera et comme dit d’Holbach, ce sera beaucoup ; je dis plus, ce sera tout. Ainsi donc, loin de moi ces arguments de l’école, ces longs raisonnements que tout le monde approuve et que personne ne veut lire. Eh messieurs ! c’est de la philosophie en madrigaux qu’il faut aux femmes, des contes qu’il faut aux rois et des contes aussi qu’il faut aux peuples. Et puis ne brusquons rien ; j’écris de petits vers libertins. Mais je fais aussi de la morale. J’attaque Nonot, Patouillet et consorts, fort bien ; mais j’ai mon chapelain à Ferney. Point de scandale ; il fait mauvais à la Bastille ; je parlerai souvent du peuple et hanterai toujours les grands. Me comprenez-vous ? Au reste, de la petitesse jamais, de l’adresse toujours. Soyons lions quelquefois et singes le plus souvent. Mais, me direz-vous, les croyances, les opinions ? Vieille monnaie, messieurs, qui bientôt n’aura plus de cours même chez le peuple ; vieille idole, veau d’or dont on est lassé aujourd’hui et qui demain j’imagine pourrait bien tomber. On croyait autrefois ; puis le doute est venu. Aujourd’hui c’est l’indifférence, demain le mépris, puis encore le doute et la foi, car notre vieux monde est ainsi fait. Eh bien ! mes amis, rions du vieux monde, prenons-le comme il est, faisons de petits vers pour les petits esprits, des tragédies pour les gens du monde ; écrivons l’histoire non pas à l’usage du dauphin, le mot est usé, ni à l’usage du peuple, car c’est à peine s’il commence à savoir vivre, mais à l’usage des fous si vous voulez, et l’on nous appellera sages. Le jour du nivellement est venu, ne renvoyons pas à demain la tâche d’aujourd’hui. Il est plaisant d’ailleurs de détruire, de remuer un peu toutes choses ; plaisant de s’en aller vers la tombe à petit bruit, sans regrets,