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sœur ; toi qui as changé ma vie. Avant de te connaître, j’étais toujours inquiet ; je sentais au fond de mon âme un malaise ; une langueur qui ne s’appaisaient qu’à l’aide des baisers de ma mère, ou bien qui s’envolaient avec le bruit de la cloche, quand elle appelait à la prière ; à la prière, où mon cœur ému et soulagé chantait des cantiques intérieurs que seul je pouvais entendre. Les autres enfants et les religieux même étaient épouvantés de ce qui me charmait. Ils frémissaient, quand la nuit enveloppant le cloître agrandissait les hauts piliers, et créait des ombres gigantesques qui couraient sur les murs. Voilà ce qui me calmait ; voilà ce qui répondait aux désirs ardents qu’éprouvait mon âme. Mais tu vins, Cecilia, et je vis d’autres visions ; j’entendis d’autres voix plus pures et dont les accents m’enchantèrent. Je t’aimai plus que mes douces méditations ; je t’aimai au-dessus de tout ce que j’avais chéri. Et lorsque Ninetta me disait : Enfant, n’est-ce pas que c’est ta mère qui a toute ton amitié ? Je gardais le silence, car si je lui avais assuré quel était l’objet de mon amour, j’aurais menti à Dieu et à ma mère, car je t’aimais plus que ma mère.

Et vous aviez tort, Giovanni, dit une voix brève qui troubla l’intime conversation des enfants : c’était le prince Stiliagno. Il s’était aperçu de la sortie de Cécilia et de son ami, et sa grande pénétration l’avait fait épier l’entretien que nous venons d’entendre.

— Rentrez, dit-il d’une voix assez dure ; votre famille vous attend, monsieur ; voilà comme vous vous préparez à la quitter : nous partons dans une heure.

— Vous nous ramenez les deux fugitifs, dit la duchesse de Manfredonnia. Eh bien ! mes enfants, vous êtes-vous fait vos adieux, c’est-à-dire au revoir ; car nous serons sous peu à Naples ?