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Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/223

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tions chevaleresques : ainsi tout ce qu’il y a de beau et tout ce qui peut mériter nos regrets, fut l’œuvre du Christianisme. L’Évangile, en imposant ses sublimes vertus au chevalier, en faisait le type de la beauté morale ; mais cela ne pouvait être qu’un songe, et quelques hommes seulement réalisèrent cette brillante illusion. Malgré cela, on se fit vertueux en apparence ; la fidélité, la courtoisie devinrent des devises générales. Dieu, la France et son Roi furent la puissante trilogie qui parait les boucliers. En présence de ces faits pleins de grandeur et de poésie, l’âme humaine ne put se taire ; l’épopée chevaleresque naquit ; et plus tard les tendres doléances, les amoureuses tristesses des pauvres délaissés, donnèrent le jour à la romance amoureuse et sentimentale, qui doit être considérée comme l’une des expressions de la société du xive siècle, et comme un délassement de notre époque.

À la naissance du nouvel art, la simplicité dans le langage, la naïveté dans la mélodie caractérisèrent les romances ; et pour donner une preuve de ce que nous avançons, voici des vers mis en musique par Thibaut, comte de Champagne et roi de Navarre :


Ah ! belle blonde, au corps si gent,
Perle du monde que j’aime tant,
D’une chose ai bien grand désir,
C’est un doux baiser vous tollir.


Mais malheureusement les découvertes harmoniques, les spéculations du contre-point, ne tardèrent pas à étouffer l’inspiration musicale, comme plus tard les recherches de la Scolastique détruisirent l’originalité de la pensée et les beautés de la forme… La mélodie, reléguée dans la chanson proprement dite, passa plusieurs siècles sans quitter la taverne.

Le xvie siècle, qui changea la forme, et qui fit justice des monstruosités canoniques et fugales, le xvie siècle ne fit point entrer la mélodie dans ses œuvres, telle que nous la concevons, car la mélodie ne sera jamais selon nous une suite