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rang parmi les compositeurs qui suivent les traditions sentimentales ; nous voulons parler de Romagnesi.

Romagnesi, continuateurde l’école de Grétry évita peut-être un défaut de ce dernier. Les airs de Grétry, astreints à la rigoureuse loi de la déclamation, ont quelquefois de la sécheresse. Pour Romagnesi, toutes les charmantes compositions qu’il livra au public sont empreintes d’une douceur attachante qui séduit et entraîne. S’il pleure, sa tristesse a des accents qui font espérer ; on aime les larmes qu’il fait répandre. Sa gaîté est franche et naïve et les conseils que la bonne grand’mère donne à Brigitte, quand elle lui dit de prendre garde au Trompeur, offrent à l’esprit l’action vivante et animée ; et qu’on nous dise si l’on peut surpasser la vertueuse simplicité du Pauvre Pasteur : cette romance est toute biblique ; on reconnaît le faire de Méhul.

Comme interprète des douces rêveries du cœur, des tendres naïvetés de l’amour, et de l’élan joyeux que procure le bonheur, Romagnesi ne peut et ne sera jamais surpassé. Son inspiration, il est vrai, n’a pas sa source dans les grandes passions. Il n’a jamais souffert ces tortures qui font Dante et Beethoven. Sa muse rêveuse, élégiaque, limpide et pleine de doueeur, redit les rêves dorés de la jeune fille qui croit au bonheur ; mais elle ignore le désespoir horrible, la démence effrayante de la pauvre tête perdue par amour ; elle ne saurait avoir les accents entrecoupés de la Folle, cette magifique expression de romance dramatique que nous examinerons dans la seconde partie de cet essai, en disant quelques mots sur les auteurs modernes qui ont succédé à Romagnesi.

Charles Bénézit.
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