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chambre ; désespéré, car, Empereur, il perdait un héritier, père, il perdait un enfant. Dans cette extrémité, notre puce comprit que c’était à elle à faire ce que nul ne pouvait opérer. Elle passa rapidement de la mère à l’enfant et mordit si fort le nouveau-né à l’oreille qu’elle lui fit pousser un petit cri… Une explosion de joie répondit à ce faible vagissement, L’Empereur rentra en cet instant même, Il avait tout entendu. Hors de lui, les larmes aux yeux, fou de bonheur, il s’élança vers son enfant, le soulevant dans ses bras, courut vers le cabinet de toilette où les membres de sa famille et plusieurs grands généraux de l’Empire se trouvaient rassemblés, et s’arrêtant, radieux et triomphant, sur le seuil, il éleva ce précieux fardeau au-dessus de sa tête paternelle, en s’écriant : « Ceci, Messieurs, est un roi de Rome !… »

Huit jours après le service éminent qu’elle avait rendu, notre héroïne accoucha elle-même, aux Tuileries, d’un petit puceron qui ne vécut que deux heures. — La vertu n’est pas toujours récompensée daus ce monde.

L’année suivante, un nouveau malheur vint l’accabler. — Fidèle à son dévouement sans bornes pour Napoléon, elle avait suivi l’Empereur dans l’expédition de Russie, sans s’effrayer des privations sans nombre et des souffrances qu’elle pourrait avoir à subir ; elle ne songeait qu’à être encore, s’il se pouvait, utile à son auguste protecteur. Cette fois, elle fut victime de sa générosité. Elle perdit son mari par un de ces malheurs qu’il n’est pas possible de prévoir. — Ici, je la laisse parler elle-même :

« Le 24 juin 1812, la moitié de la Grande-Armée venait de passer le Niémen, et s’était arrêtée, pour reprendre des forces, lorsqu’un cavalier ennemi demanda à parler à Napoléon. C’était un envoyé du célèbre Platof, grand chef des Cosaques. L’Empereur le fit approcher, et tous deux s’en-