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nous avons vu comment la boursoufflure, l’exagération et le mauvais goût avaient été remplacés par la vérité dans l’expression et le charme dans la mélodie. Mais en même temps que l’Italie nous apportait la véritable comédie lyrique, l’’Allemagne nous envoya Gluck !… c’est-à-dire un des plus grands mu. ciens des temps modernes. Pour comprendre ce qu’accomplit ce génie prodigieux, il faut savoir qu’avant lui rien n’existait ; il faut savoir que le Théâtre lyrique, appelé Grand-Opéra, ne possédait ni orchestre, ni chanteurs, et, par une bonne raison, l’art du chant était totalement ignoré en France. Iphigénie en Aulide parut et tout fut créé : comme Dante, le vieil allemand inventa une langue, tira du chaos une parole que parlèrent ses successeurs et que parlent encore de nos jours Rossini et Meyerber.


Si les délicieuses inspirations de l’école italienne, la grâce et la pureté de ses mélodies ramenèrent le goût et détruisirent ce qu’il y avait d’extravagant dans l’ancienne romance française, l’influence de Gluck devait aussi s’y faire sentir ; plus tardive peut-être, elle n’en fut pas moins grande ; je dirai plus, son effet y fut plus important ; elle ouvrit un nouveau jour à la pensée, elle créa ces petits poèmes d’action que nous appelons romances dramatiques.


En abandonnant les rêveries de l’élégie pour prendre l’élan de l’ode, la romance se sauva de l’indifférence où elle serait sûrement tombée : trop restreinte par son éternel sentimentalisme, si elle n’avait franchi les bornes, qu’aurait-elle appris à celui qui étudie l’histoire d’une époque, dans les arts de cette époque ? Rien, car qu’ont de commun avec nos mœurs ces éternelles plaintes, ces soupirs langoureux, que ne cessent de répéter les héros de l’école sentimentale ? Nous n’aimons plus comme les bergers de l’Idylle ; notre constance n’a rien de chevaleresque et il faut des accents plus vifs, il faut un rythme plus entraî-