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« Le bonheur ! le bonheur, qu’est-ce donc sur la terre ?
Une dérision, une vaine chimère,
Un fantôme trompeur enfanté par la nuit.
— Vainement pour saisir sa forme vagabonde,
J’étends les bras. Soudain, ainsi qu’un feu sur l’onde
Si j’avance, il recule, et si je cours, il fuit.

C’est pourtant le destin de toute âme vivante
De suivre ce Protée à la face changeante ;
De courir, de courir, sans s’arrêter jamais,
Jusqu’au gouffre sans fond où tout trébuche et tombe ;
Où la terrible mort veille près d’une tombe
Et de l’éternité nous ouvre les secrets.

Insensé ! je croyais dans ma naïve enfance
Qu’il était quelques lieux où jamais là souffrance
Ne torture personne entre ses durs étaux ;
Je croyais qu’il était quelque rive ignorée
Où l’aube souriait toujours pure et dorée
Aux mortels à longs traits buvant l’oubli des maux,