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Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/317

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ANNA.


Pourquoi vas-tu donc seule et l’âme recueillie
Sous les tilleuls errer vers le déclin du jour ?
Pourquoi ton œil est-il plein de mélancolie ?
Qui te rend si rêveuse et si triste ?


LUCY.


Qui te rend si rêveuse et si triste ? L’amour !…


ANNA.


L’amour ! Pour moi l’amour, c’est ma mère et sa tombe ;
C’est là seul que je trouve un baume à mes douleurs ;
C’est là que bien souvent je viens, quand le jour tombe,
Jeter une couronne et répandre des pleurs…


LUCY.


Sous les tilleuls, c’est là que l’âme se repose,
Loin du monde et du bruit qui viennent la troubler ;
Sous les tilleuls, c’est là que je cueille une rose,
Pour la mettre à mon sein, et puis pour l’effeuiller.
— Quand sa dernière feuille au gré du vent s’envole,
De ma vie, oh ! je vois l’image en cette fleur ;
Car la tige est, Lucy, le bonheur la corolle ;
La fleur n’a plus de feuille, et moi plus de bonheur.


ANNA.


Puiqu’auprès des tilleuls est le lit de ma mère,
Et puisque nous trouvons le bonheur en ces lieux,
Le tien dans une fleur, le mien sur une pierre,
Pour y prier ensemble, allons y toutes deux.

udelez.


Rennes, 6 novembre 1858.