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Stéphany, comme une hymne épanche ton génie,
L’amour est dans les cieux frère de l’harmonie !…

STÉPHANY.

— Chanter le cœur gonflé d’un sombre souvenir !
J’ai pu rêver la gloire alors que l’avenir
Me semblait, à travers mon amour et ma joie,
Un magique horizon qui dans les fleurs se noie !…

REHDI.

— Il est, à Stéphany, loin de ton bord natal,
Il est un ciel brillant, le ciel oriental !
Là, sous les grenadiers, la brise parfumée
T’apportera la voix de l’ange bien-aimée !
L’espérance éteindra le vent de ton malheur,
La résignation calmera ta douleur.
Va, frère, aux lieux sacrés où je reçus la vie,
Où me vint le rayon de poétique envie,
Où pleurent en priant et ma mère et ma sœur ;
Va, porte-leur l’amour que te donne mon cœur !

STÉPHANY.

— Non, Redhi ; sur ces bords a commencé ma vie,
Mourir où j’ai vécu, voilà ma seule envie.
Ici les doux accents de ma mère ont bercé
Mon sommeil enfantin ; puis, ce temps effacé
Ici mes premiers pas ont foulé nos bruyères ;
Ici de pleurs de joie humectant mes paupières,
L’espoir et le bonheur ont semé tour à tour
Sur mon front les rayons d’un virginal amour !…
Que mon dernier regard s’éteigne sur cette onde
Dont la plainte s’unit à ma douleur profonde,
Sur ces bords où sa main dans ma main, tout enfant,
Le front rouge et baissé, mais le cœur triomphant,
D’un rayon de ses yeux faisant toute ma vie,
Je recueillis ses chants en mon âme ravie !…