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seuls et sans crainte, et lorsqu’ils ont sondé l’abîme, si le vertige ne les entraîne pas dans le gouffre, ils font comme l’illustre génois, ils découvrent un monde !

— Alors, je répondrai au prince Stigliano.

— Que je reste à Cassoria, près de vous, mon père, vous demandant vos conseil

— Non, Giovanni, tu t’abuserais si tu pensais ainsi. Jusqu’à cette heure, faible pour tes fautes, ma coupable indulgence se voit punie ; j’ai promis de te laisser à toi-même, d’oublier s’il se peut l’amitié que j’eus pour toi, si tu résistes aux conseils de son altesse ; ces promesses, Dieu les a reçues.

— Vous trompez votre cœur, abusé par une aveugle confiance dans les semblants de zèle du grand-écuyer.

— Arrête tes calomnies. Veux-tu aller à Naples et rentrer au Conservatoire ?

— Il y a dans cette ville la cause de tous mes chagrins ; mes ennemis y sont nombreux.

— Réponds franchement.

— Savez-vous le sacrifice que vous exigez ? Que sont devenus ces jours où vous lisiez dans mon âme ? Suis-je tellement réprouvé de Dieu que son saint ne puisse voir dans mon cœur ? Aller à Naples ; mais Cécilia s’y trouve. Pardonnez, je devais oublier ce nom. J’ai tenu ma promesse, hélas ! et je n’ai pu détruire son image, laissez à mes esprits le temps de se calmer ; n’allez pas m’exposer à ces fièvres brûlantes, qui souvent enfantent le crime. Des jours viendront où sans être effrayé, j’approfondirai le mal qui me consume. Les divines méditations, les joies infinies de l’étude sanctifieront mon amour. Cette espérance me console ; mais des troubles continus, des songes affreux me tourmentent, et remplissent tous mes instants. Oh non ! je n’irai pas à Naples, car si mes pieds touchaient le seuil du palais de l’époux de Cécilia, mon père, il y aurait un criminel de plus parmi les infâmes qui ont souillé la terre ; mon père, je tuerais le prince de Tarente.