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de l’homme. Rien d’impur et de corrupteur ne s’infiltre dans ses veines ; elle laisse à l’Italie ses mélodies passionnées, ses accents brûlants, ses soupirs de mollesse qui endorment l’âme dans les songes trompeurs de la volupté ; à la France, son scepticisme moqueur et ses vaudevilles insouciants qui révèlent la légèreté française. La muse allemande est fille des solitudes ; elle interroge la nature, elle s’enfuit dans les hauteurs de l’infini ; là elle revèle à Haydn la touchante églogue des saisons ; se transportant sur la montagne où le Christ expira, elle dicte à Handel le drame du Calvaire. Il n’est pas un de ses élus qu’elle n’ait dignement inspiré depuis Beethoven, son favori, jusqu’à Schubert, ce poète touchant des tristesses de l’âme.

Choron s’en revint dans sa patrie enthousiasmé, rêvant une grande réforme, et sans s’effrayer des obstacles, il se mit au travail. Il avait apporté tout ce qui l’avait séduit et entraîné, et désirant donner à la science un monument durable, il livra à la publicité ses Principes de composition des écoles d’Italie, œuvre complète, où toutes les beautés des xvie et xviie siècles sont réunies. Une pensée plus vaste l’occupait encore, une pensée qui s’adressât à toute la population, et dont les résultats, s’ils s’accomplissaient, feraient une révolution dans les mœurs. La République, en détruisant les maîtrises, créa le Conservatoire. Le Conservatoire devint une école de privilégiés. Choron se déclara l’ennemi de ce monopole et institua ses classes simultanées. C’est là qu’il déploya une activité infatigable ; qu’avec peu il établit cette institution religieuse de la Sorbonne musicale ; et lorsque Paris fut appelé aux premières séances, l’enthousiasme devint du délire : les noms du passé dominèrent les hommes du présent, et quand les oreilles furent frappées par les gémissements du Prophète-roi (le Miserere), mis en musique par Allegri, chacun se demanda lequel du musicien ou du poète avait le mieux chanté les larmes et la supplication ?

Mais savait-on les sacrifices immenses, le dévoûment admirable du grand organisateur de ces fêtes musicales ? Savait-