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sidérer : Sheridan aurait pu et n’a pas voulu l’être ; mais comme l’écrivain le plus spirituel et le plus franchement comique qui ait illustré la scène anglaise, si peu féconde de tout temps en originalités semblables.

La critique ou l’éloge glisse sur la banalité et ne s’arrête qu’à l’exception. Sheridan en est une brillante. Si cet orateur étincelant et sarcastique, politique profond, émule de Fox, rival heureux de Pitt, avait porté sur le théâtre le prestige de ses œuvres parlementaires ; s’il avait dramatisé les idées réformatrices qu’il exaltait de sa nerveuse éloquence, l’Angleterre eût compté une seconde toute puissance intellectuelle dans les pages de son histoire théâtrale. Mais l’improvisateur politique était un écrivain indolent, qui prodiguait avec trop de facilité les éclairs de son esprit pour qu’il se souvînt de son génie.

Les bizarreries artistiques de sa vie privée rejaillissaient sur ses œuvres : il composait par saccades. Cependant deux de ses comédies sont des chefs-d’œuvre en leur genre, d’après lord Byron : la Duègne et le Critique. Cette dernière pièce représentée en 1779 sur le théâtre de Drury-Lane, est tout Sheridan ; c’est là qu’il faut étudier l’art comique en Angleterre.

Quelque étrange que paraisse cette assertion, nous essayons d’en produire brièvement les preuves.

Autorisés des premiers noms de la critique anglaise, nous avons émis que l’art comique était chose peu connue en Angleterre avant Sheridan, que lui-même ne pouvait être considéré comme fondateur ou comme réformateur. Nous avouons qu’il semble tout d’abord contradictoire de vouloir étudier dans une de ses comédies cet art dont nous avons nié l’existence complète ; et pourtant il est à regretter que ce soit par la critique des fausses données littéraires généralement suivies à cette époque que Sheridan ait dévoilé cette vérité. Le Critique n’est point, comme pièce théâtrale, un modèle à prendre ; c’est une excellente plaisanterie, a dit lord Byron ; c’est une saillie continue, où sont spirituellement signalés les vices des œuvres con-