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LES ANDROGYNES

Telle était cette œuvre banale qu’un directeur de théâtre s’était empressé de monter ; car, dès qu’un poète montre un réel mérite, dès qu’un auteur sort des sentiers battus par quelque manifestation vraiment littéraire, il épouvante le commerçant routinier, l’épicier déloyal qui ne veut servir à ses clients que l’habituelle cassonade et les conserves avariées des vieux faiseurs. Chozelle se délectait aux éructations flatteuses de ses fervents, se trouvait une prestigieuse originalité, parce qu’il avait osé mettre à la scène une chauve-souris et un chat-huant !

Deux personnages venaient d’entrer dans la loge, blêmes d’une admiration qu’ils exprimaient en petites phrases hachées, comme par un hoquet d’extase : « Vraiment, c’est une trouvaille ! » « Tigrane a saisi tout le charme envoûteur de l’écrivain ! » « Quelle habileté de touche ! » « Admirable ! Suggestif ! Enveloppant ! Effarant ! »

André examina le couple qui, par un je ne sais quoi d’inusité, retenait l’attention. L’homme grand, un peu bouffi, les chairs molles et la peau blafarde, pouvait passer