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LES ANDROGYNES

et indifférence. Mais j’étais soutenu par l’éternelle Chimère qui me mettait au-dessus des calculs, des discussions d’intérêt et des bassesses de ceux qui m’entouraient. Je caressais l’enchanteresse aux yeux glauques pour oublier, espérer ce je ne sais quoi qui n’arrive jamais, mais qui, tout de même, vous soutient jusqu’à la culbute finale…

— Maintenant, nous espérerons à deux, et nous serons heureux, puisque rien n’existe que par l’imagination.

— Oui, la chose la plus ardemment souhaitée n’est qu’un canevas fragile que chacun brode de la flore de ses désirs ; toute la joie est dans cette action de broder avec l’aiguille d’or de l’esprit et la soie pourpre du cœur. Qu’importe si, dans la trame éblouissante, l’homme a laissé des parcelles de son énergie, et si chaque rose d’élection lui a coûté une goutte du plus pur de son sang !… Le canevas, fût-il fait des fibres mêmes de sa chair, et les écheveaux soyeux de ses artères vives, ce serait encore une félicité pour lui d’y broder le mensonge chatoyant et pervers du Rêve !