Page:La Vie littéraire, I.djvu/115

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en une grand’mère qui croyait à l’âme du sabotier. Notre science, notre philosophie sortent des contes des bonnes femmes. Mais qu’est-ce qui sortira de notre philosophie ?

M. Lorédan Larchey, savant homme dont l’esprit est plein de curiosités ironiques, a publié jadis une petite collection de mémoires composés par des obscurs et des simples ; je me rappelle confusément le journal d’un sergent et celui d’une vieille dame, et il me reste l’idée que c’est très curieux. Nous ne lirons jamais trop de mémoires et de journaux intimes, parce que nous n’étudierons jamais trop les hommes. Je ne suis pas du tout de l’avis de ceux qui trouvent qu’on a trop fait et trop publié en ce temps-ci d’ouvrages de ce genre, intimes et personnels.

Je ne crois pas qu’il faille être extraordinaire pour avoir le droit de dire ce qu’on est. Je crois au contraire que les confidences des gens ordinaires sont bonnes à entendre.

Quant à celles des hommes de talent, elles ont une grâce spéciale ; c’est pourquoi je suis ravi, pour ma part, de la publication anticipée du Journal des Goncourt.

Ce journal, commencé par les deux frères le 2 décembre 1851, jour de la mise en vente de leur premier livre, fut continué, après la mort du plus jeune, par le survivant, qui ne songeait pas à le publier. Il en lut, l’an dernier, à la campagne, quelques cahiers à M. Alphonse Daudet, son ami, qui