Page:La Vie littéraire, I.djvu/150

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palimpseste a donc par lui-même l’attrait du mystère ; il cache un secret. Ce sont les chimistes du commencement de ce siècle qui ont trouvé les réactifs propres à faire revivre le texte primitif sur le parchemin lavé par les moines au lait de chaux. Mais déjà les humanistes, lors de la Renaissance, tentaient de lire l’écriture effacée des palimpsestes. Ils y mettaient, à défaut de science et de méthode, une amoureuse ardeur. Michelet a retracé avec beaucoup de poésie l’émotion et la tristesse de ces déchiffrements inspirés par tant de piété et si vainement essayés.

« Chaque fois, a-t-il dit, que l’on découvrait sous quelque antienne insipide un mot des grands auteurs perdus, on maudissait cent fois ce crime, ce vol fait à l’esprit humain, cette diminution irréparable de son patrimoine. Souvent la ligne commencée mettait sur la voie d’une découverte, d’une idée qui semblait féconde ; on croyait saisir de profil la fuyante nymphe ; on y attachait les yeux, mais en vain ; l’objet désiré rentrait obstinément dans l’ombre ; l’Eurydice ressuscitée retombait au sombre royaume et s’y perdait pour toujours. »

Aujourd’hui, la nymphe, l’Eurydice revit sous de puissants réactifs, ou du moins on retrouve quelques lambeaux de son corps ; car les moines non seulement grattaient les manuscrits grecs et latins, mais encore ils les dépeçaient et ils en éparpillaient les feuilles. Le Palimpseste que M. Gilbert-Augustin Thierry nous fait connaître est un psautier du xe siècle, en