Page:La Vie littéraire, I.djvu/196

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des anciens… Aucun drame moderne, aucun roman, aucune comédie à sensation de Dumas ou de George Sand ne m’a laissé un souvenir aussi net et une impression aussi profonde, aussi naturelle que la description de la prise de Troie. Il me semble avoir assisté à ces horreurs, avoir entendu les cris, vu l’incendie, été avec la famille de Priam, avec ces malheureux qui se cachaient derrière les autels de leurs dieux, où les lueurs sinistres du feu qui dévorait leur ville allaient les chercher et les livrer… Et qui peut se défendre d’un léger frisson en lisant l’apparition du fantôme de Créuse ? » Son esprit est un magasin où elle fourre pêle-mêle la Corinne de madame de Staël, l’Homme-Femme de M. Alexandre Dumas fils, Roland furieux, les romans de M. Zola et ceux de George Sand. Elle voyage sans cesse allant de Nice à Rome, de Rome à Paris, de Paris à Pétersbourg, à Vienne et à Berlin. Sans cesse errante, elle s’ennuie sans cesse. Sa vie lui semble amère et vide. « Dans ce monde, dit-elle, tout ce qui n’est pas triste est bête, et tout ce qui n’est pas bête est triste. » Elle manque de tout parce qu’elle veut tout. Elle est dans une affreuse détresse, elle pousse des cris d’angoisse. Et pourtant elle aime la vie. « Je la trouve bonne, dit-elle. Le croira-t-on ? Je trouve tout bon et agréable, jusqu’aux larmes, jusqu’à la douleur. J’aime pleurer, j’aime me désespérer. J’aime à être chagrine et triste… et j’aime la vie malgré tout. Je veux vivre. Ce serait cruel de me faire mourir quand je suis si accommo-