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LE CHEVALIER DE FLORIAN.

C’était un saint. Dans son innocence, il ne voyait jamais le mal. On raconte qu’un jour, à la foire, un marchand, qui ne le connaissait point, lui montra et fit mouvoir devant lui des figurines obscènes. L’excellent duc crut en toute candeur que c’étaient des jouets d’enfant, et il les acheta pour une petite princesse à laquelle il les remit le lendemain.

Cet homme de bien s’intéressa à Florian et lui donna bientôt une compagnie dans son régiment de dragons. C’était l’usage. « Lindor, dit Marmontel dans un de ses Contes moraux, venait d’obtenir une compagnie de cavalerie au sortir des pages. » Devenu ensuite gentilhomme ordinaire du duc de Penthièvre, Florian célébra la bienfaisance inépuisable, de cet excellent maître.

Avec lui la bonté, la douce bienfaisance
Dans le palais d’Anet habitent en silence,
Les vains plaisirs ont fui, mais non pas le bonheur.
Bourbon n’invite point les folâtres bergères
À s’assembler sous les ormeaux ;
Il ne se mêle point à leurs danses légères,
Mais il leur donne des troupeaux.

C’est auprès du duc, dans les châteaux d’Anet et de Sceaux, que Florian composa ces bergeries où l’on ne voit pas de loups, ces jolies comédies italiennes dans lesquelles Arlequin lui-même est sensible et ces romans poétiques dont on disait alors avec une politesse exquise : « Ils sont dédiés à Fénelon, et l’offrande n’a point déparé l’autel ». À la veille de la Révolution, le