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LE CHEVALIER DE FLORIAN.

Et le portraitiste amoureux ajoute ingénument : « C’est ce qui faisait ma désolation, car je ne pouvais soutenir avec elle ce genre de lutte. » Puis il met les derniers traits au tableau : « Une extrême activité compromettait sa santé, qui déjà donnait quelques signes inquiétants. La musique, la peinture, la traduction de quelques romans anglais, auxquels elle ajoutait parfois des scènes très vivement frappées, remplissaient alors des journées qu’il fallait disputer aux chagrins les plus poignants. » Vive, spirituelle, mélancolique et lettrée, Sophie Le Sénéchal était tout à fait à la mode et au goût du temps. Son père occupait une de ces fonctions civiles que la riche bourgeoisie se partageait : car les offices de judicature et de finance à tous les degrés appartenaient alors au tiers état. M. Le Sénéchal avait établi ses deux filles aînées dans la noblesse ; la première était marquise de Chérisey, la cadette marquise d’Audiffret. C’était par lui-même un homme insignifiant. Mais sa femme avait quelque prétention au bel esprit et tenait un salon ouvert aux gens de lettres. Cette famille, naguère opulente, était à peu près ruinée par la Révolution. Les biens de l’administrateur des domaines, tenus sous séquestre, s’y dévoraient sûrement. Après le 10 Août, M. Le Sénéchal jugea prudent de quitter Paris, où il était soupçonné de modérantisme. Il se retira à Rouen avec sa famille. C’est là qu’il connut Charles Lacretelle, dit Lacretelle jeune, âgé alors de vingt-six ans. Celui-ci ne fréquenta pas longtemps la maison Le Sénéchal