Page:La Vie littéraire, I.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est indulgente et douce, et que les choses humaines n’inspirent que deux sentiments aux esprits bien faits :[1]

  1. J’apprends en ce moment même que la traduction de la Terre est interdite en Russie. M. Louis Ulbach, qui reproduit cette nouvelle, ajoute : « Soyons convaincus que cette œuvre, injurieuse pour la France, sera traduite et commentée en Allemagne. » Et M. Ulbach proteste avec une énergie dont je voudrais pouvoir m’inspirer.

    « Non, dit-il, non. Ce roman est une calomnie, une insulte envers la majorité des Français.

     » Avec sa théorie de l’hérédité, M. Zola aurait de la peine à expliquer comment ces paysans sont les pères de ce qu’il y a de plus honnête, de plus intelligent, de plus brave en France. Qui de nous n’a pas dans les veines du sang d’homme de la terre, et qui de nous n’admire ces travailleurs obstinés comme un exemple, comme une tradition à suivre ?

     » Nier la finesse du paysan, c’est nier l’évidence ; nier son courage, c’est nier la France.

     » Des livres pareils, après la guerre, après les francs-tireurs, après l’héroïsme, sont des livres bons pour nos ennemis et insultants pour notre patriotisme.

     » Je racontais, il y a quelques jours, le beau spectacle auquel j’avais assisté, d’une brigade manœuvrant avec une discipline admirable et un entrain superbe. C’était la manifestation des paysans français.

     » Je sais que l’article naïf que j’ai écrit à ce sujet a été lu dans les casernes de la brigade ; je sais que le numéro du Petit Marseillais a été affiché, et j’ajouterai même, pour me vanter, non de ce que j’ai écrit, mais de ce que j’ai pensé, que le général a fait lire ce témoignage d’un spectateur au ministre de la guerre et que celui-ci a dit :

     » — Voilà la note qu’il faut faire entendre et que nos soldats savent apprécier.

     » Allez donc à ces soldats, tout prêts à se faire tuer pour la France, qui ont appris à lire au village ou à la caserne, qui ont des notions grandissantes de l’honneur national, à ces héros en herbe, allez donc lire un livre où l’on prétendra qu’ils sont