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Le roi répondit :

— Messieurs, je vous suis fort obligé de la peine que vous vous êtes donnée. Mais je suis fort occupé des soins du gouvernement. D’ailleurs, j’ai vieilli pendant que vous travailliez. J’ai passé de dix ans ce qu’un poète appelle le milieu du chemin de la vie et, à supposer que je meure plein de jours, je ne puis raisonnablement espérer d’avoir encore le temps de lire une si longue histoire. Elle sera déposée dans les archives du royaume. Veuillez m’en faire un abrégé mieux proportionné à la brièveté de l’existence humaine.

Les académiciens de Perse travaillèrent vingt ans encore ; puis ils apportèrent au roi quinze cents volumes sur trois chameaux.

— Sire, dit le doyen d’une voix affaiblie par le travail et par l’âge, voici notre nouvel ouvrage. Nous croyons n’y avoir rien omis d’essentiel.

— Il se peut, répondit le roi, mais je ne le lirai point. Je suis vieux : les longues entreprises ne conviennent point à mon âge ; abrégez encore et ne tardez point.

Ils tardèrent si peu qu’au bout de dix ans ils re-