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Page:La Vie littéraire, I.djvu/273

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Convenons-en tout de suite, M. Thiers est incorrect et négligé. Carrel, qui pourtant l’estimait, a dit : « Lorsqu’il écrit, on pourrait croire qu’il improvise. » Sa phrase, souvent molle et fluide, manque de nerf. Cela est vrai. Pour faire toucher du doigt le défaut de l’écrivain, il suffit de citer un fragment du portrait de Danton par Garat, en le faisant suivre du passage de l’Histoire de la Révolution qui en est une imitation avérée. Je ne demande pas mieux que de faire ici l’expérience. Voici le morceau de Garat :


Jamais Danton n’a écrit ni imprimé un discours. Il disait : « Je n’écris point… » Son imagination et l’espèce d’éloquence qu’elle lui donnait, singulièrement appropriée à sa figure, à sa stature, était celle d’un démagogue ; son coup d’œil sur les hommes et sur les choses subit, net, impartial et vrai, avait cette prudence solide et pratique que donne la seule expérience. Il ne savait presque rien, et il n’avait l’orgueil de rien deviner ; à la tribune, il prononçait quelques paroles qui retentissaient longtemps ; dans la conversation il se taisait, écoutait avec intérêt lorsqu’on parlait peu, avec étonnement lorsqu’on parlait beaucoup ; il faisait parler Camille et laissait parler Fabre d’Églantine.


C’est là sans doute un assez fin morceau de rhétorique. Voici comment M. Thiers l’a imité dans son Histoire de la Révolution :


Danton avait un esprit inculte, mais grand, profond et surtout simple et solide. Il ne savait s’en servir que pour ses besoins et jamais pour briller ; aussi parlait-il