Page:La Vie littéraire, I.djvu/322

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Il n’y ajoute point la réflexion. Aussi les langues les plus sages et les plus savantes sont-elles tissues d’inexactitudes et de bizarreries. Sans doute, on peut en ramener tous les faits à des lois rigoureuses, parce que tout dans l’univers est sujet aux lois, même les anomalies et les monstruosités. Le grand Geoffroy Saint-Hilaire n’a pas fait autre chose que de déterminer avec la dernière rigueur les lois de la tératologie. Il n’en est pas moins vrai de dire que le quiproquo et le coq-à-l’âne entrent pour une certaine part dans la confection des langues en général et, en particulier, de celle que Brunetto Latini estimait la plus délectable de toutes.

J’en citerai deux exemples curieux.

Foie, vient de ficus qui veut dire figue, ou, pour être tout à fait exact, d’un dérivé de ficus. Comment ? Le plus naturellement du monde. Les Romains, qui devinrent gourmands dès qu’ils furent riches, ce qui était fatal, les Romains recherchaient le foie gras préparé aux figues, jecur ficatum ou ficatum tout court. Ce dernier mot, ficatum, arriva à désigner, non seulement le foie en pâté de figues, mais encore le foie tout simplement. Et voilà comment foie vient d’un dérivé de ficus.

L’étymologie de truie est analogue, mais plus curieuse encore. Truie est le latin populaire troia, le nom même de la ville de Troie !

Les Romains appelaient porcus troianus (en latin vulgaire porcus de Troia) un porc qu’on servait à