Page:La Vie littéraire, I.djvu/37

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Bientôt les chrétiens eurent le bonheur d’être persécutés. Sérénus, qui était homme de goût, resta parmi eux. Sa mort stoïque eut les apparences du martyre. Son corps fut enseveli parmi ceux des saints, dans le tombeau de la famille Flavia. Transporté à Beaugency-sur-Loire, en l’an de grâce 860, il ne tarda pas à opérer des miracles. Il rendit notamment la vue à un aveugle et la vie à la jument d’un prêtre.

Voilà l’histoire de Sérénus. Et remarquez bien que l’impossibilité de croire, qui est le mal de ce galant homme, ne sévit pas seulement dans la partie religieuse de son âme. Elle le dévore tout entier. En politique comme en amour, il ne croit pas. Il ne trouve de raison de se déterminer que dans un certain sentiment de l’élégance morale qui survit chez lui à toute conviction et à toute philosophie. Le malheur est qu’on cesse d’agir quand on est ainsi. Il y a lieu de s’en inquiéter. Le bonhomme Franklin n’avait pas, tant s’en faut, autant d’esprit et de goût que Sérénus ; mais il possédait le sens pratique et il sut se rendre utile à ses concitoyens. Il était laborieux ; il faisait sa tâche et voulait que chacun fît la sienne.

— Quand vous serez embarrassé pour prendre une décision, disait-il, allez chercher une feuille de papier blanc et divisez-la en deux colonnes. Vous écrirez dans une des colonnes toutes les raisons que vous avez d’agir, et, dans l’autre, toutes les raisons que vous avez de vous abstenir. De même qu’en algèbre on