Page:La Vie littéraire, I.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ces îles charmantes, une Didon océanienne, mais une Didon résignée, qui mourut sans se plaindre. Cette Didon n’eut point de Virgile. Un inconnu lui fit les vers que voici :


Cependant qu’à travers l’océan Pacifique
Un Anglais naviguait, morose et magnifique,
Dans une île odorante où son brick aborda
Une reine, une enfant qui se nommait Ti-Da,
Lui jeta ses colliers de brillants coquillages,
Prête à le suivre, esclave, en ses lointains voyages.
Et, pendant trente nuits, son jeune sein cuivré
Battit d’amour joyeux près de l’hôte adoré,
Dans des murs de bambou, sur la natte légère.
Mais, avant que finît cette lune si chère,
Pour l’abandon prévu, douce, d’un cœur égal,
Elle avait fait dresser un bûcher de sandal,
Et du brick qui lofait, lui, pâle, sans surprise,
Vit la flamme, et sentit le parfum dans la brise.


Hélas ! Rarahu n’était point reine ; elle ne finit point avec cette simplicité tragique ; elle survécut par malheur à son mariage avec Loti. Mourant de la maladie qui emporte sa race, elle mettait des couronnes de fleurs fraîches sur sa tête de petite morte. Elle n’avait plus de gîte à la fin et traînait avec elle son vieux chat infirme qui portait des boucles d’oreilles et qu’elle aimait tendrement. Tous les matelots l’aimaient beaucoup, bien qu’elle fût devenue décharnée, et elle les voulait tous. Elle se mourait de la poitrine, et, comme elle s’était mise à boire de l’eau-de-vie, son mal alla très vite.

Ainsi finit la petite créature jaune qui avait donné